Le colosse d’eau

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Le colosse d’eau ou l’histoire d’une emprise

 

Témoignage

         

Le 25 décembre 2004, j’étais aux Seychelles.

Du balcon de la chambre, comme tout les matins, je ne me lassais pas de contempler l’écrin de végétation luxuriante qui s’offrait à mon regard avant qu’il ne soit irrésistiblement attiré par les eaux limpides et azurées du bord de mer.
Vers midi, nous décidions, mon compagnon, ses trois grands enfants et moi de nous y rendre afin de déjeuner dans une de ses cahutes en bois réputées pour la fraîcheur et la diversité des poissons proposés.
En passant à proximité du restaurant, je me suis arrêtée devant un enclos où de géantes tortues de mer languissaient au soleil.
Nous avons réservé et décidé de profiter de la plage de sable corallien qu’offre l’île de Praslin.

Je commençais à peine à dérouler ma serviette de bain, à l’ombre d’un palmier géant, près du muret qui séparait  la plage des premières tables du restaurant encore vide, que je sentis  l’eau caresser mon pied alors que je cherchais mes lunettes de soleil.
Je me suis retournée et  me suis exclamée « Oh, c’est incroyable, nous qui sommes si loin de… »
Je n’ai pas eu le temps de finir.

Une muraille d’eau me projeta vers l’arrière, me percutant sauvagement contre le muret de pierre qui céda, me souleva vers le ciel pour mieux m’écraser vers les profondeurs et m’emporter dans sa course, furieuse, folle, incontrôlable sans que je comprenne ce qui m’arrivait.

 

Alors que mon corps tournoyait, livré à la force colossale de cette masse d’eau, je n’ai pas réagi tout de suite. Choquée, je cherchais une explication logique… : Ils auraient pu nous prévenir quand même, c’est un phénomène qui doit être connu ici… Le restaurant…Ce n’est qu’une cabane en bois… Bien sûr, pour la reconstruire…

Je ne voyais rien, l’eau soulevant le sable, la terre, charriant les pierres de granit.

Je me cognais violemment à quelque chose d’énorme que je finis par distinguer. Une tortue de mer ! Notre-face-à-face dura une fraction de seconde. À ce moment-là, je compris qu’elle n’était pas en meilleure posture que moi. Je pris peur. Il me fallait respirer. Mais comment ? Je ne distinguais plus ce qui différenciait le ciel de la terre.

Je paniquais et commençais à me débattre de toutes mes forces pour trouver la surface si elle existait encore. J’y  parvenais une fois, deux fois. Je voulais tellement m’emplir d’air que j’avalais autant d’eau salée et de sable mêlés. Et si j’arrivais à me maintenir la tête hors de l’eau, ce n’était que pour dériver à une vitesse folle et me protéger comme je le pouvais, des débris, des troncs d’arbres, de pièces métalliques indéfinies et finissais toujours  par être à nouveau happée par le fond, une succession de vague ne cessant de m’y pousser.

 

Le colosse d’eau ou l’histoire d’une emprise - Témoignage

 

 

Épuisée, je n’ai pas abandonné.

 J’ai lâché prise.

 

Je ne pouvais rien faire. J’étais impuissante.
J’acceptais d’être ici et maintenant, livrée à la force colossale des éléments déchaînés.

Quelques bribes de ma vie passée ont envahi mon esprit et je me suis mise à interroger Dieu à qui je n’ouvrais plus la porte depuis l’adolescence.
Avais-je lésé, blessé, abandonné, fait du tort sciemment ?

Je me connectais à ma conscience de façon profonde et confiante.
« Que ta volonté soit faite. Je suis prête » me suis-je entendu penser.

Je fus envahie par la paix et mon esprit connut à ce moment là, un calme souverain.

Alors que j’étais sous une montagne d’eau, je voyais le ciel. .

Je pouvais mesurer la violence de ce que j’étais entrain de vivre parce je n’avais plus peur ; J’étais en proie à l’inconnu dans toute sa folie et sa démesure.

Tout à coup, j’ai senti que  l’énergie du colosse d’eau s’inversait.
Je n’étais plus poussée, j’étais aspirée. La vague se retirait.
Le colosse n’avait pas dit son dernier mot. Sa puissance et son emprise était phénoménale. Je compris que je pouvais être emportée au large, sans espoir de retour.

À partir de ce moment, étant pleinement consciente, je me suis concentrée sur chaque geste et chaque action qui pouvait me retenir à la vie.

L’instinct de survie s’est manifesté avec une intensité dont je ne soupçonnais même pas l’existence.

Mes sens se sont décuplés. Je me suis accrochée à une épave, puis une branche qui céda pour me jeter sur ce qui restait d’un tronc.

Il me fallait résister physiquement et lutter, tout en essayant de voir à 360 degrés si un morceau d’habitation détruite, de voiture ne pourrait pas me porter un coup fatal.

Ainsi, je voyais à quelques mètres, mon compagnon accroché à un cocotier et je cherchais ses enfants…
C’est alors que je vis Chloé, sa fille de 16 ans, dériver, malgré ses tentatives désespérées de s’accrocher  à ce que je distinguais être une branche de palmier. Derrière elle, une carcasse de bateau éventrée…
Je lâchais le tronc. J’hurlais son prénom. Je parvins à l’attraper par le pied et à saisir ce qui me semblait résister au dément reflux.

Je suis restée ainsi les bras en croix. Combien de temps ?

Céder aurait causé notre perte. Je ne ressentais aucune douleur, aucune fatigue. Je voulais juste vivre. Juste qu’elle vive.

 

Le colosse s’est retiré.

Ravagée, la plage n’était plus qu’un champ de boue et de ruines ; je croisais des personnes dévêtues et hagardes. Leur regard semblait vide.

Nous nous sommes retrouvés tous les cinq sains et sauf ;

Mon corps accusait la violence du choc et je pouvais à peine bouger.
Mon compagnon s’est mis à chercher son portefeuille…

Je me suis juste assise. J’ai regardé et j’ai écouté, toujours en alerte.
La faune pourtant si vive, offrant chaque jour une diversité d’interactions mélodiques infinies, restait silencieuse.

« Si la nature se tait, ce n’est pas fini, cela peut recommencer » ai-je pensé.

J’ai persuadé les enfants de s’éloigner de la plage et nous avons grimpé dans les collines pendant que leur père se désolait de la perte de son argent et de la noix de coco coincée dans le pare-chocs de la voiture…
Il finit par nous rejoindre une heure plus tard, nous sommant de monter à bord pour rejoindre l’hôtel qui se situait sur la partie la plus haute de l’île.
Je ne voulais pas. Cela me semblait trop dangereux de longer le chemin côtier.
J’ai fini par céder…

Nous étions depuis quelques minutes dans la voiture lorsque nous vîmes à une centaine de mètre une langue d’eau traverser le chemin et emporter la voiture qui avançait devant nous !

Nous décidâmes d’abandonner la voiture et de nous réfugier chez des habitants de l’île sur les hauteurs.

Lorsque nous sommes revenus à l’hôtel, qui a été préservé de l’horreur de ce qui venait de se passer, nous avons raconté notre histoire aux personnes restées au bord de la piscine.

Il y eut des rires…Personne ne nous a cru…

 

Lacher prise

Aujourd’hui, je vis à nouveau un tsunami.
Un Tsunami intérieur et dont je suis la seule victime.
Une victime silencieuse, dont les dégâts ne touchent que ma propre personne physique et mon intégrité mentale. Un tsunami que personne d’autre que moi ne vit, personne ne voit et dont toutes pourraient rire et ne pas le croire parce que le colosse est mon mari.

Je me trouve juste au moment où je suis dans la masse d’eau constitué pas la vague. Mon esprit est projeté aux quatre coins de ma boîte crânienne par la versatilité de son comportement, de ses paroles.

J’ai essayé à plusieurs reprises de sortir la tête de l’eau pour ne recevoir que des mots qui blessent,  heurtent,  humilient,  dénigrent, menaces de manière voilées et qui use de chantages violents.

Lorsque je dis « sortir la tête de l’eau », j’essayais vainement de comprendre, de me remettre en cause, de m’interroger sur ce qui pourrait générer un tel comportement chez la personne que j’aimais et à qui je donnais toute ma confiance, sans jamais avoir de réponse.

Je comprends aujourd’hui que je suis impuissante et que la seule chose qui puisse me sauver est de lâcher prise parce qu’il va me falloir toutes mes forces et bien plus pour résister à la vague qui va se retirer, pour me soustraire de ce lien mortel.

Je tente de lâcher prise de tout mon être, de toute mon âme.
Ce qui fait encore obstacle, c’est de « vouloir » le faire plutôt que de croire et d’agir.

Là, je n’aurais plus peur !

Sous la montagne d’eau, je pourrais voir le ciel et me libérer, enfin !

 

Sabrina


La reproduction intégrale de mon écrit est autorisée. Cependant, mon nom complet ainsi que le lien actif de la page du site internet http://soutien-psy-en-ligne.fr ou/et https://pervers-narcissiques.fr est obligatoire. Vous remerciant de votre compréhension ainsi que de l’intérêt porté à mon travail, Geneviève Schmit.

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Geneviève Schmit, coaching thérapeutique.

. . © Geneviève Schmit, experte dans l’accompagnement des victimes de manipulateurs pervers narcissiques. .


 

J’aurais grand plaisir à lire vos interventions sur le Facebook qui vous est dédié: Facebook pour les victimes de violence psychologique et de manipulation perverse. Soutien.PsyFacebook Soutien.Psy

 


 

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Genevieve Schmit

Spécialiste de l'accompagnement des victimes de manipulation perverse narcissique, j'ai élaboré un protocole thérapeutique adapté et accessible à distance. Les séances sont possibles par téléphone ou visioconsultation, garantissant une flexibilité et une confidentialité optimales. Pour convenir d'un rendez-vous, je vous invite à me joindre au 06 43 43 15 79 et à me laisser un bref texto. Je m'efforcerai de vous recontacter dans les plus brefs délais

2 commentaires :

  1. Bravo, .Sabrina ! Beau parallèle de lâcher-prise entre la réalité physique des éléments et celle qui est à l’intérieur de nos pensées et de nos peurs ! Mon père me disait toujours (il était dans la marine) « si tu es dans une tempête et que tout se déchaîne autour de toi, surtout ne nage pas, fais la planche !  » Je n’ai jamais eu à l’appliquer en mer (trop peur de perdre la rive de vue) mais je m’en suis souvenue à plusieurs reprises au cours de mes tempêtes personnelles. Je t’embrasse, amie des tempêtes résolues

  2. bonjour,

    votre témoignage est très parlant. Le tsunami représente parfaitement les ravages que fait un pn dans la vie de sa victime. Je parlais de tornade pour « mon » pn : paysage apocalyptique et grande détresse physique et morale après le passage de mon pn. courage, vous n’êtes pas seule.

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