L’alcool sous un versant psychanalytique

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Gérard-Yves CATHELIN, psychanalyste.
Publié sur « Actua Psy » magazine 2006

 

Le fantasme représente le lieu où le verbe produit le sujet.
Quant au fantasme premier, il intervient quand la conjugaison répétitive de l’alcoolisation dévoile ses particularités.
L’alcool exprime un séisme pulsionnel qui vise au démembrement de celui qui boit. Rite oral sadique, d’images insistantes qui fixe la libido autour de l’alcool.

alcoolBoire devient un rituel de liberté illusoire, imprescriptible, logique du sens. L’ivresse devient le prix à payer pour une sublimation de groupe, communauté, qui est un lieu de confinement, de solitude, de réclusion, qui projette dans l’espace.

La personnalité alcoolique n’a plus d’objet sexué autre que l’éthanol.

L’individu n’est plus que trace, illusion de lui-même.

L’alcool, adjuvant, métaphore sexuel, aphrodisiaque comme injection libidinale déplacée, violence de la pulsion sublimatoire, remplacement de l’orgasme.
Il fait retour, cet alcool, à l’animalité.
Il permet d’exonérer les fautes, la culpabilité. Il est alors le serviteur de la pulsion d’emprise. Cette animalité alcoolique négativise le sujet, la conscience. Les relations charnelles sont oralisées.

La communauté alcoolique ne serait-elle pas l’illusion heureuse d’avant la chute, un Eden biblique ou un Elysée Païen ?

L’alcool servirait de purification d’un désir extatique. Mais aussi, boire sert à cacher l’essentiel, à vivre dans le superflu pour mieux taire l’essentiel: la disqualification de la relation.

Cette disqualification s’effectue autour de la représentation féminine.
Cette surestimation du moi n’est qu’un élément de la libido, une érotisation des organes, boisson fixative, contrepoint vraisemblable de la sur dimension sexuelle.

 

Boire pour garantir le privilège du phallus, le désir s’efface devant l’éthanol. Cela montre l’inacceptable de la condition de vie.

Le rituel occasionnel de la personnalité alcoolique devient obsessionnel, répétition compulsive, d’une recherche de position dominante perdue, aliénation ou la femme est exclue. La rencontre de l’Ethanol montre un cérémoniel univoque ou les hommes sont entre eux.

 

N’y a-t-il pas aussi recherche de la Loi du Père ?

L’alcoolisation abolit la loi du langage, du lignage, de la pensée. Elle n’est que violence compulsive ou s’aliène dans la prise d’alcool l’illusion de la liberté.
La répétition de l’alcoolisation fonctionne par effraction (dépense, économie).

Le sujet est dans la tentative d’oubli du passé de l’inconscient, mais aussi en quête de l’objet perdu qui ne se retrouve pas. L’alcool en devient son substitut. L’alcoolisme est alors un élément de rumination.

 

Cela devient rituel compulsif vécu sous l’angle réappropriation maternelle, l’angle d’un fantasme hypnotique, d’un ressassement continu.
Recherche ou repoussoir de cette dernière, mère, femme mortifères.

Alcoolisation pour lutter contre la crainte panique de la pulsion sexuelle. Elle se borne à fixer la masculinité dans sa négation.
La femme, quant à elle, est survalorisée, sur virilisée, femme métaphysique.

L’homme alcoolique est en quête d’un amour « maternel », choix transférentiel ou le narcissisme se déplace du sujet vers l’objet alcool. L’homme est alors en quête de se prendre lui-même comme objet d’amour. Violence compulsive ou s’aliène dans la prise d’alcool, l’illusion de la liberté.

La récurrence de l’alcool est un désir de jouissance, jouissance pulsionnelle, pulsion d’emprise du sujet.
L’alcoolisation trahit la véracité de la pulsion de mort, mais aussi où la sexualité ont du mal à co exister.

La souffrance, comme contenu manifeste, de révélation de la perte, c’est alors un répertoire expressif de souffrances masochistes ou l’objet alcool se dévoile comme substitut de l’objet d’amour.

 

alcoolismeL’Ethanol devient tuteur de concept, vecteur de l’affect. Il s’inscrit dans une économie libidinale, de quête affective maternelle, mais aussi geste auto punitif entre verdict et exécution. (Châtier le mal, et châtrer le mâle)

 

L’alcool se change en rite ou triomphe l’idée sacrale d’une ovation d’hommes pour des hommes.
Alcool contre cette figure négative de la féminité, qui n’est autre qu’une version d’une misogynie extrême et retournement contre soi d’un geste castrateur.
On peut déceler un homme infantile face à une femme sur virilisée pourvue de phallus; l’homme dans l’alcoolisation est dans un désir de recherche phallique, recherche de l’appropriation de ce que l’individu n’a plus.

L’homme alcoolo-dépendant est réduit à la servitude ou l’esclavage.
L’Ethanol est mis en statut dominateur. Il produit un renforcement aphrodisiaque artificiel.
Le narcissisme n’est plus qu’un fantôme dans une tentative de restauration d’un statut sexuel.

L’individu devient une sorte de SUPERMAN en bouteille qui a pour premier le masculin et pour négatif le féminin.

L’homme n’a que peu d’alternatives; celle de se soumettre ou se démettre.
La femme devient supplément de la loi, doublure du père ou de son mari.
L’homme alcoolique est esclave, vaincu devant la domination féminine et maternelle, du refus du père d‘assurer son phallus. Il n’a plus d’existence autonome

 

Pareil esclavage n’a qu’un remède : la fuite dans l’alcool.

Le fils ne détrônera pas le père. Il va se borner soit, à s’en aller, soit à s’alcooliser.
Fils innocent, père infantile, incestueux, sadique. Dans les phrases parentales vers le fils «tu n’es rien », il y a la menace d’une fin subite: LE NEANT, mais aussi silence du langage remplacé par le vin, vide ineffable, péjoratif, négatif de l’ETRE.

 

L’alcoolisation devient alors un désir d’excès, violence inconsciente répétitive qui distribue le sujet en trois axes pulsionnels :

  • La pulsion d’EMPRISE, (tentative de domination de l’environnement)
  • La pulsion d’AGRESSION (ne pas reconnaître la vie hors alcool)
  • La pulsion de MORT (détruire l’univers familial, se détruire). Pulsions qui visent à dominer, accabler, supprimer l’individu.

L’alcoolisation est alors recherche d’anéantissement de soi, de l’autre.

alcoolisme mondainCette violence inconsciente détruit deux fois la personnalité alcoolo-dépendante ; physiquement et psychiquement.
Elle est alors absolue de la perversion, comme moyen de se détruire, mais aussi de détruire l’environnement familial, parental.

Quête d’alcool comme quête incessante de l’excès pulsionnel ou se manifeste l’illimitation du désir de puissance, mais aussi alcoolisation comme procédé d’effacer les traces d’un crime.

Crime d’être né, non né, l’alcool devient une agression envers la parentalité (désir du meurtre parental). Alcoolisation pour empêcher un rêve inassouvi, l’acte inachevé, geste du désir incestueux.

Alcoolisation comme glissement d’une souffrance de ne pouvoir accéder à la sexualité adulte, l’alcool devient une souffrance que l’on s’impose, celle que l’on s’inflige «se détruire », mais aussi marque d’un travail de deuil non accompli : Travail de deuil de la non-possession maternelle.

La mère incarne les valeurs familiales, le père est lui absent.

Cette position maternelle déplace le narcissisme du sujet dans un retournement pulsionnel, qui s’inscrit dans le portrait de la personnalité alcoolique. Hébétude, torpeur, abattement, asthénie, le sujet n’existe plus.
La personnalité alcoolo dépendante cesse d’exister sous nos yeux, qui s’égare dans un tourbillon ou l’esprit se dissout dans le vin, ou l’excès d’alcool investit le cadre familial et le détruit

 

La jouissance «alcoolique » est menace de destruction, dépression, aliénation du sujet dans une tristesse profonde, mais aussi auto érotisme de l’impuissance.

L’individu est dans le registre de devenir chose (dénégation de soi).
Le sujet est ivre de soi-même, il se noie dans son propre narcissisme.
Le JE ne se trouve nulle part, il n’a pas de propriétaire.

Avec un refus du réel de type psychotique, césure de la raison, fissure du Moi. La personne qui expérimente l’alcool, nie son être, négation qui s’inscrit dans la tension du corps.

D’actif, le sujet devient passif.

Alcool aussi comme symptôme rebelle du déni de la castration.

La personnalité alcoolo dépendante est aveugle de sa propre position masochiste, destructrice, refus de son être. Il va lutter contre la souffrance, le trauma de la parentalité, mais aussi contre une protestation de l’abandon, de par la non présence parentale, jeu pervers, pour devenir anonyme.
Double dénégation de l’identité personnelle et de la sexualité.
L’alcool ligote le désir dans une désarticulation du psychisme et de l’organisme. Il agence l’émotionnel qui réprime le plaisir, le désir d’être.

L’alcool rive le corps du sujet à sa propre loi, il assujettit l’homme au rang de demandeur d’alcool.

 

L’individu n’a plus aucune alternative. Il faut se défaire, à titre définitif, de ce poison pour se faire un corps sans alcool.

S’il ne combat pas l’ennemi alcool, ce dernier va traîner l’homme dans son réseau carcéral de destruction organique.

Si l’homme ne s’abstient pas de boire, il est mort, vide d’organe, d’espace, de pensées, de désir.

Le sujet suicide son organisme.

L’ennemi que l’on a, c’est nous-mêmes, notre double.

La question est de réussir à se passer définitivement d’alcool. Le challenge est de reconstituer un corps sans Ethanol, de retrouver le désir.

Il est souhaitable pour l’individu de quitter la douleur, d’avoir un, pour retrouver ses organes, redevenir propriétaire de son être.

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Gérard-Yves Cathelin
Psychanalyste, addictologue et psychothérapeute à Château Thierry (02) et La Ferté-sous-Jouarre (77)

30 Août 2015

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Gérard-Yves Cathelin

Psychanalyste - Psychothérapeute et addictologue La Ferté-sous-Jouarre & Château Thierry

3 commentaires :

  1. Bonjour, je suis un peu effrayée parce que de ce que j’ai pu en lire et entendre il me semble bien que je suis en couple avec ce type de personne – mais je veux pas m’amuser à mettre des étiquettes, faire des pseudo diagnostique
    D’apres ce que je vois, les PN s’apparentent quand même pas mal à une personnalité psychopathe – sans émotions, ce qui est extrêmement effrayant…
    Bon, ma question concrètement, pouvez-vous me dire si un PN peut aussi avoir des addictions? (alcool, jeux, tabac, sex)
    Ou est-ce impossible? Car s’il n’a pas vraiment d’émotions, comment peut il en meme temps être addict?
    Est-ce compatible ou est ce que ça l’enlève automatiquement du groupe PN? (ce qui serait franchement plus rassurant pour moi..)

  2. Je voudrais aider mon fils âgé de 50 ans qui consomme de l’alcool depuis 30 ans , il s’agit d’un alcoolisme qui se ça cache sous une pratique mondaine , comment puis je l’aider ?

    • Bonjour,
      C’est une tâche bien difficile que de vouloir aider une personne proche, surtout lorsqu’il ne reconnais pas la situation.
      Il n’y a pas d’alcoolisme mondain … il y a juste de l’alcoolisme.
      Je crois que vous devriez vous rapprocher d’un alcoologue ou d’une association pour les familles d’alcoolique (voir auprès des AAA)
      Mais il est toute fois évidement que personne ne peut soigner un malade qui ne se reconnais pas comme étant malade.
      Bon courage. Geneviève Schmit

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