L’avis du Docteur Maurice Berger sur la résidence alternée chez les enfants de 0 à 6 ans

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L’application de la résidence alternée ne va pas sans dommages pour les enfants entre 0 et 6 ans. Selon Maurice BERGER, pédopsychiatre, père et mère ne sont pas à égalité dans les besoins psychiques des enfants.

La loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale a consacré la reconnaissance législative du principe de la résidence alternée. Cette modalité d’éducation après une rupture tend à concilier co-parentalité et intérêt de l’enfant. Or selon les analyses du Dr. Berger, chef de service en psychiatrie de l’enfant au CHU de Saint-Etienne et professeur associé de psychologie de l’enfant à l’Université Lyon-II, l’application de la résidence alternée ne va pas sans dommages pour les enfants entre 0 et 6 ans. Selon lui, père et mère ne sont pas à égalité dans les besoins psychiques des enfants. Et la pratique de la co-parentalité instaurée par la résidence alternée irait justement à l’encontre des besoins essentiels du petit enfant.

Le Dr. Maurice Berger estime qu’« il existe une véritable pathologie psychique due à la résidence alternée ». S’il admet que la reconnaissance par la loi de la garde alternée est « un progrès certain », il observe qu’ « elle est porteuse de risques importants pour le développement de l’enfant si certaines précautions ne sont pas respectées ». Il affirme ainsi « qu’il peut être nocif pour un nourrisson de passer une semaine ou plus éloigné de sa mère avant l’âge de 2 ans, encore plus si cela se produit de manière répétée ». Il va même jusqu’à dire que « l’application actuelle de la loi du 4 mars 2002 crée des maladies quasi expérimentales chez l’enfant ».

Pour étayer sa prise de position, le docteur prend notamment appui son expérience de praticien. Il a ainsi été saisi de 150 cas pathologiques concernant des enfants de moins de six ans. Ceux-ci présentaient des troubles psychiques suite à une décision de résidence alternée (51% des cas) ou d’équivalent de résidence alternée (morcellement du temps : 29,2%, week-end prolongé avec moitié des vacances : 19,8%). Le docteur précise qu’il limite son étude aux enfants de moins de 6 ans parce que « c’est la période de plus grande vulnérabilité psychique, celle où les troubles risquent le plus de se fixer de manière irréversible ».

Les causes

Aux yeux du Dr. Berger, la loi du 4 mars 2002 est source de mal-être parce qu’elle est en contradiction avec les conclusions de la théorie de l’attachement, défendue par le docteur, et développée à partir de nombreux travaux théoriques et pratiques. Cette théorie fait du lien d’attachement « un processus précoce fondateur de la personnalité de l’enfant ». Elle conclut que la mère représente pour l’enfant une « figure d’attachement préférentielle », dont il est crucial de préserver et respecter le rôle, afin de garantir la formation psychique du nourrisson dans de bonnes conditions.

« La relation d’attachement, dit-il, porte sur la constitution du sentiment de sécurité, qui nécessite que le nourrisson puisse, dans les premiers mois de sa vie, bénéficier de la présence d’un adulte, figure d’attachement stable, prévisible, accessible, figure qu’il pourra intérioriser peu à peu ». Or si « un enfant petit peut bénéficier de plusieurs figures d’attachement, il existe une hiérarchie ». Le docteur avance que « les deux parents ne sont pas équivalents dans le registre émotionnel et comportemental ».

Et les travaux sur lesquels s’appuie le docteur de conclure que la mère est une « figure d’attachement préférentielle » pour l’enfant. « Parce que c’est la mère qui est enceinte, accouche, allaite… elle noue une relation spécifique avec lui . Et c’est elle qui constitue la première base de sécurité ». Pour le dire autrement, « la demande de protection de la part de l’enfant reste en faveur de la mère ».

Or pour le Dr. Berger, la résidence alternée agit comme un élément qui perturbe et déstabilise la construction de la relation d’attachement avec la mère. « Si une résidence alternée est mise en place trop précocement, dit-il, cette base de sécurité est inaccessible à l’enfant pendant une durée trop longue ». Et « l’absence de sentiment de sécurité risque alors d’entraîner la constitution d’un attachement dit désorienté-désorganisé ».
Dans le cadre de la résidence alternée, « le processus d’attachement, qui permet à l’enfant d’acquérir une sécurité interne et de supporter une séparation, est rompu ». Parce que les aller-retours du petit enfant entre le domicile de sa mère et de son père constituent « une discontinuité régulièrement répétée ». En conséquence de quoi « se met en place un attachement perturbé dont on sait qu’il présente un caractère de fixité parfois irréversible ». Or c’est précisément « ce qui risque de se produire avec la résidence alternée pour les enfants de moins de six ans ».

Pour le Dr. Berger, « les besoins relationnels du bébé ne changent pas, ils sont les mêmes depuis des siècles et demeureront toujours les mêmes. Et si on peut affirmer que le père a une place spécifique à prendre auprès de son bébé, elle n’est pas équivalente à celle de la mère, même si elle est complémentaire ».

Il estime ainsi dommageable que le texte de loi ne fasse aucune différence entre les besoins d’un bébé de deux mois et ceux d’un adolescent. Pour lui, l’esprit originel de la loi (ne pas rompre le contact entre l’enfant et l’un des parents) est devenu avoir sa part d’enfant. Le praticien déplore ainsi « une confusion entre l’égalité de droit au niveau de l’autorité parentale et l’égalité du rôle au niveau du développement précoce de l’enfant ».

Le Dr. Berger n’hésite pas à employer un ton plus polémique. Considérant les partisans d’une équivalence entre père et mère, d’une indifférenciation des rôles parentaux, dans le développement affectif de l’enfant, il note qu’un tel discours « est représentatif d’un mouvement idéologique qui cherche à annuler dans la société les différences entre les sexes, les rôles, les places, et les tensions saines et inévitables que cela génère ».

Les conséquences

Parmi les symptômes de la pathologie liée à la résidence alternée, il mentionne une panoplie de signes:

– Un sentiment d’insécurité avec apparitions d’angoisses d’abandon qui n’existaient pas auparavant, ces enfants ne supportant plus l’éloignement de leur mère et demandant à être en permanence à son contact.
– Un sentiment dépressif avec un regard vide pendant plusieurs heures, et parfois un état de confusion.
– Des troubles du sommeil, de l’eczéma.
– De l’agressivité, en particulier à l’égard de la mère considérée comme responsable de la séparation.
– Une perte de confiance dans les adultes, en particulier dans le père, dont la vision déclenche une réaction de refus.
– Chez certains enfants plus grands, un refus de suivre la moindre contrainte (scolaire ou familiale) venant de l’extérieur.

Le Dr. Berger est d’autant plus alarmiste qu’il estime que les pathologies liées à la résidence alternée peuvent prendre un caractère durable et poursuivre l’enfant tout au long de sa croissance. D’après lui, « les auteurs spécialistes des problèmes liés aux séparations précoces indiquent que lorsqu’un enfant vit une modalité d’attachement à sa mère qui est interrompue trop longtemps ou de manière répétée, l’insécurité et les angoisses pathologiques qui en découlent, peuvent s’installer de manière durable à l’adolescence et se retrouver à l’âge adulte sous la forme d’angoisse et de dépression chroniques».

Les solutions préconisées

Sous les auspices du principe de précaution, le Dr. Berger appelle à une modification de la loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale. La question est d’ « évaluer comment un enfant peut bénéficier le plus souvent possible de la présence de son père, et réciproquement, sans créer une discontinuité préjudiciable ».

La solution qu’il propose est le « fractionnement évolutif des temps d’hébergement chez le père », la mise en place d’un « droit d’hébergement évolutif chez le père ». Il illustre sa suggestion par la présentation d’un calendrier graduel.

De 0 à 1 an, l’enfant pourrait rencontrer son père deux à trois fois par semaine, chaque fois pour une grande demi-journée au domicile de ce dernier, sans passer la nuit chez lui. Deux de ces demi-journées seraient éventuellement regroupables sur une journée.

De 1 à 3 ans, à ces trois demi-journées, lorsque l’enfant sera familiarisé avec le foyer paternel, serait ajoutée une nuit dans la semaine, sans que la séparation d’avec la mère ne dépasse un jour et demi.

De 3 à 6 ans, l’hébergement pourrait se faire chez le père sous la forme d’un week-end de deux jours deux nuits tous les quinze jours, et d’une demi-journée dans la semaine. A cela s’ajoute la moitié des vacances scolaires, sans dépasser une durée de quinze jours consécutifs chez le père à condition de maintenir des contacts suffisants et non intrusifs avec l’autre parent et réciproquement.

Un assouplissement du calendrier pourrait être réalisé si les deux parents font une démarche conjointe, ce qui les pousserait à une co-parentalité la moins conflictuelle possible.

Le docteur évoque « la création d’un corps de spécialistes de la petite enfance formés pour être compétents en matière de séparation parentale (psychologue ou psychiatre) qui devraient réévaluer la situation à intervalles réguliers afin de constater l’adéquation du mode de garde avec le développement psycho-affectif de l’enfant ».

Docteur Maurice BERGER

Pour toute information complémentaire sur les travaux du Dr. Berger, consulter sa « page perso » sur Internet à l’adresse : http://www.mauriceberger.net

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