Un article de Parents.fr
Il arrive que les couples explosent alors que les deux ex-amoureux viennent de devenir parents. Les enfants, bien souvent très jeunes, se retrouvent au centre de conflits qui ne devraient pourtant être réservés qu’aux adultes. Comment expliquer à un tout petit que ses parents vont se quitter, quelle organisation choisir au mieux de ses intérêts ?
Faites sentir à votre enfant qu’il n’y est pour rien
Avant de vous décider, donnez-vous le temps de la réflexion. Quand l’avenir et la vie quotidienne d’un enfant sont en jeu, réfléchissez-y très sérieusement avant de prendre la décision d’une séparation. L’année qui suit la naissance d’un bébé – que ce soit le premier ou le deuxième enfant – est une épreuve particulièrement difficile pour la relation conjugale : souvent, l’homme et la femme sont bouleversés par le changement et s’éloignent momentanément l’un de l’autre. Dans un premier temps, n’hésitez donc pas à consulter un tiers, un médiateur familial ou un conseiller conjugal, pour comprendre ce qui ne va pas et essayer de repartir ensemble sur de nouvelles bases.
Si malgré tout, la séparation s’impose, pensez d’abord à préserver votre bébé. L’enfant, même tout petit, a un talent fou pour se sentir coupable de ce qui arrive de négatif. Dites-lui bien que son papa et sa maman ne vont plus être ensemble, mais qu’ils l’aiment et qu’il continuera à les voir tous les deux. C’est la célèbre psychanalyste, Françoise Dolto, qui a découvert dans sa consultation de nouveau-nés l’effet bénéfique des paroles vraies sur les bébés : « Je sais qu’il ne comprend pas tout ce que je lui dis, mais je suis sûre qu’il en fait quelque chose car il n’est plus le même après. » L’idée qu’un tout-petit ne se rend pas compte de la situation et qu’il serait du même coup protégé de la colère ou du chagrin de ses parents est un leurre. Ce n’est pas parce qu’il ne parle pas qu’il ne ressent pas ! Au contraire, un petit enfant est une véritable éponge à émotions. Il perçoit parfaitement ce qui se passe, mais il ne le verbalise pas. Il est essentiel de prendre des précautions et de lui expliquer sereinement la séparation : « Entre ton papa et moi, il y a des problèmes, je suis très fâchée contre lui et il est très fâché contre moi. » Inutile d’en dire plus, de déverser son chagrin, sa rancœur car il faut préserver sa vie d’enfant et lui épargner les conflits. Si vous avez besoin de vous épancher, parlez à une amie ou à un psy.
Remplacez l’alliance amoureuse brisée par une alliance parentale
Pour bien grandir et construire sa sécurité intérieure, l’enfant a besoin de sentir que ses deux parents veulent son bien et sont capables de s’entendre sur un mode de garde n’excluant personne. Même s’il ne parle pas, le bébé capte l’estime et le respect qui subsistent entre son père et sa mère. Il est important que chaque parent parle de son ex-conjoint en disant « ton papa » et « ta maman », et non pas « l’autre ». Par respect et tendresse pour son enfant, une maman chez qui l’enfant est en résidence principale se doit de préserver la réalité paternelle, d’évoquer la présence de son papa en son absence, de montrer des photos où ils étaient ensemble avant que la famille n’éclate. Même chose si la résidence principale est confiée au père. Même si c’est dur, travaillez à une “réconciliation” au niveau parental, faites en sorte que les décisions importantes soient prises en commun : « Pour les vacances, j’en parlerai avec ton papa. » Donnez à votre enfant un laissez-passer émotionnel en l’autorisant à avoir des sentiments forts pour l’autre parent : « Tu as le droit d’aimer ta maman. » Réaffirmez la valeur de parent de l’ex-conjoint : « Ta maman est une bonne maman. Ne plus la voir ne va pas t’aider, ni toi, ni moi. » « Ce n’est pas en te privant de ton papa que tu vas m’aider ou t’aider.
Faites bien la distinction entre conjugalité et parentalité. Pour l’homme et la femme qui formaient un couple, la séparation est une blessure narcissique. Il faut faire le deuil de leur amour et celui de la famille qu’ils avaient créée ensemble. Le risque est grand alors de faire la confusion entre l’ex-conjoint et le parent, de confondre une querelle entre un homme et une femme, et une querelle qui dégomme le papa ou la maman en termes d’image. Le plus préjudiciable pour l’enfant est d’évoquer le pseudo-abandon subi : « Ton père est parti, il nous a abandonnés », ou « Ta mère est partie, elle nous a quittés. » Du coup, l’enfant se retrouve persuadé d’avoir été abandonné et répète à son tour : « Je n’ai qu’une maman, je n’ai plus de papa. »
Optez pour un système de garde où il pourra voir ses deux parents
La qualité des premiers liens qu’un bébé tisse avec sa mère est fondamentale, en particulier la première année de sa vie. Mais il est important que le père tisse lui aussi un lien de qualité avec son enfant dès les premiers mois. En cas de séparation précoce, faites en sorte que le père garde le contact et ait une place dans l’organisation de vie, qu’il ait un droit de visite et d’hébergement. La garde alternée n’est pas recommandée durant les premières années, mais il est possible de maintenir le lien père enfant par-delà la séparation selon un rythme régulier et un planning fixe. Le parent qui a la garde n’est pas le parent principal, de même que le parent “non-hébergeant” n’est pas un parent secondaire.
Maintenez les moments prévus avec l’autre parent. La première chose à dire à l’enfant qui part chez l’autre parent une journée ou un week-end, c’est : « Je suis contente que tu ailles avec ton papa. » La deuxième, c’est de faire confiance : « Je suis sûre que tout se passera bien, ton papa a toujours de bonnes idées. » La troisième, c’est de lui expliquer qu’en son absence, vous irez par exemple au cinéma avec vos amies. L’enfant est soulagé de savoir que vous ne resterez pas seule. Et la quatrième, c’est d’évoquer les retrouvailles : « Je serai contente de te retrouver dimanche soir. » L’idéal, c’est que chacun des deux parents se réjouisse que l’enfant passe de bons moments avec l’autre, en son absence.
Évitez le piège de “l’aliénation parentale”
Après une rupture et les conflits qu’elle implique, colère et ressentiment prennent un temps le dessus. Il est difficile, voire impossible, d’échapper à un sentiment d’échec. Dans cette période tourmentée, le parent hébergeant l’enfant est si fragilisé qu’il risque de tomber dans le piège de l’emprise/captation envers l’enfant. Les psys ont listé les indices de “l’aliénation parentale”. Le parent aliénant est animé d’un désir de vengeance, il veut faire payer à l’autre ce qu’il a subi. Il essaye de différer, voire d’annuler les droits de visite et d’hébergement de l’autre. Les échanges au moment de la transition sont l’occasion de disputes, de crises devant l’enfant. Le parent aliénant ne préserve pas les liens de l’enfant avec l’ancienne belle-famille. Il est médisant et pousse l’enfant à se rallier au “bon” parent (lui) contre le “mauvais” (l’autre). L’aliénant se replie sur l’enfant et son éducation, il n’a plus de vie personnelle, d’amis et de loisirs. Il se présente comme la victime d’un bourreau. Du coup, l’enfant prend immédiatement son parti et ne veut plus voir l’autre parent. Cette attitude, très préjudiciable, a de graves conséquences à l’adolescence, quand l’enfant vérifie lui-même si l’autre parent est aussi démissionnaire qu’on le lui a dit et s’aperçoit qu’il a été manipulé.
Pour ne pas tomber dans le piège du syndrome d’aliénation parentale, il est important de faire des efforts et de tenter, même si le conflit paraît insurmontable, une réconciliation. Même si la situation semble figée, il y a toujours une possibilité de faire un pas dans la bonne direction, de changer de régime, d’améliorer les relations. N’attendez pas que votre ex-conjoint fasse le premier pas, prenez l’initiative, car souvent, l’autre attend aussi… Il y va de l’équilibre affectif de votre enfant. Et par conséquent du vôtre !
N’effacez pas le père pour faire la place à un nouveau compagnon
Même si la séparation a eu lieu quand l’enfant avait un an, un bébé se souvient parfaitement de son père et de sa mère, sa mémoire affective ne les effacera jamais ! C’est une escroquerie vis-à-vis de l’enfant, même tout petit, de lui demander d’appeler papa/maman son beau-père ou sa belle-mère. Ces mots sont réservés à ses deux parents, même s’ils sont séparés. Du point de vue génétique et symbolique, l’identité d’un enfant est constituée de son père et de sa mère d’origine et on ne peut pas faire l’économie de la réalité. On ne va pas remplacer le papa et la maman dans la tête d’un enfant, même si le nouveau compagnon ou la nouvelle compagne occupe une fonction paternelle ou maternelle au quotidien. La meilleure solution est de les appeler par leurs prénoms.
http://www.parents.fr/etre-parent/psycho-parents/proteger-son-bebe-quand-on-se-separe-79697
A lire : “Enfant libre ou enfant otage. Comment protéger l’enfant après la séparation des parents”, de Jacques Biolley (éd. Les liens qui libèrent). “Comprendre le monde de l’enfant”, de Jean Epstein (éd. Dunod).
septembre 2017
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