Témoignage de Charlotte
Et si oui, pourquoi ne l’ai-je pas fait?
PARTIR… RESTER…
Ces questions m’ont obsédées pendant des années…
Cette deuxième question me semble d’ailleurs plus décisive que la première…
En vacances, ma fille de 10 ans, m’interroge devant mon compagnon qui conduit notre véhicule….
« Maman, est-ce que c’est normal que papa regarde des sites de rencontre sur son téléphone alors qu’il est avec sa copine depuis plus d’un an?«
Plutôt que de lui répondre, je lui demande ce qu’elle en pense. Manifestement, à son âge, elle recherche des repères valables pour aider à la construction de la jeune femme en devenir qui s’épanoui déjà en elle.
Après avoir vu une dizaine de femmes défiler depuis notre séparation survenue en 2016, elle s’interroge…
Je pense qu’elle a très bien compris la situation, mais peut-être attend-elle une confirmation de ma part.
Ce soir-là, entre nous, nous avons eu une longue conversation sur le thème de la fidélité et des incompréhensions qui en découlent.
Comme beaucoup de mère je crois, je ne voulais pas ternir l’image de son père… J’avais également peur de lui donner une vision trop moche de l’amour en lui offrant à voir le comportement de celui que j’avais choisi pour être le père de mes enfants. Son comportement n’était basé que sur le mensonge, la manipulation et tant d’autres choses tout aussi moches.
Au fil de nos échanges, elle finit par me dire: « Mais tu aurais dû partir plus tôt maman parce que il vaut mieux partir et même si ça fait mal aux enfants sur le moment, c’est finalement mieux pour eux« ….Voilà, ses mots sont clairs et me renvoie à ma question fondamentale: « Pourquoi ne l’ai-je pas quitté plus tôt?«
Il est possible que je me sois entêtée à rester dans ce couple totalement dysfonctionnelle parce que je suis moi-même une fille ayant vécu le divorce de mes parents, terriblement destructeur et qui ressemble étrangement au mien…
Je ne voulais pas faire subir cela à mes enfants. J’ai deux autres enfants avec cet homme-là qui sont majeurs aujourd’hui.
Les problèmes de couple devaient rester dans le couple et ne pas impacter les enfants. Mais tout cela est une belle utopie, un déni peut-être. Quoi que l’on se dise, les enfants font partie intégrante du problème et ce serait les prendre pour des idiots que d’imaginer qu’ils ne voient, ne ressentent et ne souffrent pas de ce qui se passe.
Parce que je pensais être suffisamment forte que pour porter seule cette histoire, parce que parfois je préférais me sacrifier en silence, j’ai oublié que je suis une femme et que ma vie aussi est importante; Je n’ai pas souhaité de séparation.
Tout le monde sait comment ces hommes-là savent nous maintenir dans ce « sacrifice« …
Parce que dans ma famille aussi, les hommes disparaissent ou ne reconnaissent pas leurs enfants, que seules les mères restent dans le navire pour les assumer, parce que j’aurais probablement culpabilisé envers mes fils et ma fille, parce que je ne me sentais pas prête pour cet élan courageux, parce que j’avais peur du regard des autres … je suis restée.
Je me souviens de mon fils aîné déjà majeur à l’époque, qui m’avait également dit que j’aurais dû partir plus tôt et ne pas accepter cette situation. Deux enfants sur trois, c’est beaucoup quand même!
Alors depuis cette conversation mère et fille d’il y a à peine quelques semaines, je me sens à nouveau tourmentée par cette question…
Le poids du passé, de la société...
Née il y a plus de cinquante ans, de parents nés eux-mêmes juste avant la Deuxième Guerre Mondiale, je n’ai malheureusement pas connu l’ère de mai 68 qui transportait la libération de la femme…
J’en arrive aussi à me dire que si je ne voulais pas divorcer c’est que j’étais sous son emprise, sous l’emprise de ce que la société impose et que j’étais dans l’incompréhension totale de la réalité dans laquelle je vivais.
Vivre dans le mensonge empêche d’appréhender sainement la situation, c’est un fait. Le mensonge nous fait perdre le pouvoir d’agir, mais pas que… Nous perdons aussi de l’énergie, de la lucidité et pire, nous finissons par fermer les yeux pour ne pas voir ce qui est inacceptable, dans un dernier réflexe de honte et de survie.
Vaines tentatives...
Il y a quelques années, j’ai bien essayé de partir pourtant…
Enceinte de ma fille, j’avais l’impression d’être inexistante. Mon mari brillait par son absence psychique et physique…
Alors un soir, à bout de souffle, je me suis assise dans le salon face à lui. Je lui ai dit que je ne supportais plus cette situation et que je souhaitais me séparer de lui.
Il l’a bien évidemment très mal pris, a jeté rageusement son alliance mais jamais, au grand jamais, n’a tenté de comprendre ou même de m’écouter.
Alors j’ai abandonné ce sursaut de survie un peu fou et je l’ai amèrement regretté par la suite. J’ai sombré encore plus dans la noirceur de la solitude et j’ai changé jusqu’à ne plus savoir qui j’étais. Mes réactions ne me correspondaient plus… Vous savez quand on se dit: « Je ne me reconnais plus« . Bien voilà!
C’est assez bizarre, mais à défaut d’avoir eu une réaction claire et concrète de sa part, j’ai plongé encore davantage dans le manque de lucidité, d’écoute de moi-même, dans un mal-être insupportable.
Mais pourquoi supporter l’insupportable?
Générationnel? Dans mon cas, probablement…
Dans cette génération, divorcer était un acte perçu comme un abandon de famille, et cela même si l’on partait avec les enfants. On nous donnait la responsabilité entière de la souffrance infligée aux enfants, il nous fallait rester irréprochables, il nous fallait cacher les errements du père et souffrir en silence.
La mère, assimilée à la Sainte Vierge Marie, ne peut faire subir cela à ses propres enfants… Elle se sacrifie jusqu’à sa crucifixion!
L’incompréhension, aussi…
Parce que sous emprise, on est plus en capacité de penser par soi-même, le doute s’installe, torture et retourne chaque situation contre soi… Mais pas que…
Lorsqu’un manipulateur ne vous accorde que des 1/2 vérités ou des 1/2 mensonges, nous nous trouvons toujours plongé dans le verre à moitié plein ou à moitié vide et, plus souvent vide que plein.
Raisonnablement, l’humain, avec toute la conscience dont il dispose, ne peut prendre une décision intelligente qu’en ayant reçu l’ensemble des informations qui la compose. Il nous faut donc avoir accès au dossier le plus complet possible pour avoir une bonne analyse et prendre la meilleure décision.
Dans mon cas, mon dossier était presque vide et en l’absence d’informations claires, j’avais peur de me tromper, de commettre l’erreur de ma vie et de la faire payer à nos enfants.
La peur…OUI!
Peur de perdre la garde des enfants, peur des représailles, peur de ne pas être crue, peur de ne pas y arriver, peur d’une justice incompétente ou saturée…
L'emprise...
L’emprise emmène dans une voie obscure qui nous pousse à nous jeter la pierre systématiquement. Si le couple ne va pas bien, c’est de notre faute, et le conjoint se réjouit en nous le rappelant, ce qui renforce encore ce sentiment!
Donc forcément, je n’étais pas à la hauteur! Enfin, c’est que je pensais…
En conséquence je ne me m’accordais pas le droit de partir…
Après tout, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous-même!
Et pourtant…
Depuis ma séparation, l’homme auquel j’ai été mariée durant 20 années, rejoue la même histoire avec ses autres femmes… Infidélités, mensonges, abus de confiance, besoin de séduire sans cesse, jeux de rivalité entre ses conquêtes et tentations… Il a même l’indécence de se gargariser tant qu’il peut devant ma fille en se réjouissant de voir ses ex lui courir après… Quel bel exemple…
Prise de conscience
Ce que je sais de ma vie aujourd’hui me confirme vivement que OUI, j’aurais dû partir!
OUI, mes deux grands enfants auraient certainement moins souffert car les dégâts sont là; L’un s’est engouffré dans la religion pour se garantir un cadre clair, pour être aider à appliquer sur lui-même une conduite irréprochable, par peur surement de ressembler à son père et à son grand-père car là aussi… Enfin, il porte l’histoire d’une longue lignée d’hommes manipulateurs.
Quand-à mon autre fils, il s’est enfermé très tôt dans le virtuel des écrans et peine à vivre une relation stable avec une femme.
Et ma fille, elle qui avait 4 ans au moment de la séparation, me dit aujourd’hui, à 10 ans, que j’aurais dû partir plus tôt!
Aujourd’hui, je peux enfin expliquer à ma fille que lorsque l’on se trouve dans une situation que l’on ne supporte plus, qui n’est pas acceptable, qui ne correspond pas à ses propres valeurs, on a le droit, que dis-je, le devoir de changer de cap…
Nous avons le droit de se tromper… et nous avons le devoir de reprendre le chemin de nos valeurs personnelles.
Que pouvons-nous faire?
Eduquons nos filles et nos fils, parlons avec eux de l’amour dans sa complexité mais aussi dans sa richesse, de la loyauté, de l’empathie, des valeurs personnelles… et surtout, montrons l’exemple dans nos propres actions.
Ne laissons jamais croire que l’amour implique le sacrifice de soi!
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